Une mesure avant-gardiste ou une entorse à l’éthique?
Le combat contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme.
Le cabinet d’avocat, Juristconsult, est d’avis que la démarche entreprise par la Financial Intelligence Unit (FIU) est une mesure avant-gardiste pour le combat contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme. Khemila Narraidoo, Senior Associate- Barrister et Ingrid Lecordier, Associate-Barrister, membres de ce cabinet d’avocats, livrent leurs opinions.
Les deux avocates soutiennent qu’il est vrai que les firmes d’avocats ainsi que les « sole practitioners » ont eu très peu de temps pour faire l’enregistrement nécessaire. Mais il est bon de savoir que Maurice a pris des mesures importantes pour s’assurer qu’elle dispose d’un cadre juridique solide et qui est conforme aux normes internationales. La Financial Intelligence & Anti-Money Laundering Act (FIAMLA) a été promulguée en 2002 et prévoyait plusieurs exigences clés d’un système solide pour la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Ainsi les professionnels du droit sont considérés en tant que « gardiens » et ont un rôle à jouer afin de « protéger les portes du système financier ».
Cette mesure est une obligation imposée à tous les membres de la profession légale. Cette mesure est plus particulièrement imposée aux membres de la profession qui préparent ou effectuent des transactions pour leurs clients concernant les activités spécifiques entourant des biens immobiliers, gestion d’argent entre autres comme spécifié dans la circulaire émis par la FIU.
Pour ce cabinet légal, il n’y a pas d’excuse pour que le Mauricien qui se trouve à l’étranger ne soit pas en mesure de respecter le délai prescrit. D’autant plus que les enregistrements se font en ligne. Il est vrai qu’un cabinet légal, tel que Juristconsult Chambers, ne fait pas vraiment face à ce genre de problèmes mais selon leurs dires, cela peut être moins évident pour les «sole practitioners».
L’attention est aussi attirée sur le fait que le non-enregistrement auprès de la FIU, conformément au règlement, est une infraction en vertu de la règle 7 du règlement de 2019. Tout déclarant qui ne s’enregistre pas auprès de la FIU en vertu du présent règlement commettra une infraction et encourra, sur déclaration de culpabilité, une amende ne dépassant pas Rs 1 Million.
Qu’advient-il si des informations confidentielles qui sont divulguées à des tierces personnes ? Pour le cabinet Juristconsult, la confidentialité serait un facteur clé de succès pour les opérations de la FIU. De ce fait, l’instance a fait comprendre qu’elle aurait mis en place des politiques et procédures appropriées de sécurité. Qui plus est, en vue de préserver la confidentialité des informations diffusées, au moment de la divulgation des renseignements aux destinataires, la FIU impose des modalités et conditions à l’utilisation de ces renseignements.
De plus, on se demande si un membre de la profession ne serait-il pas appelé à divulguer des données confidentielles de ses clients ? Qu’en est-il, à ce moment, du privilège du légiste ?
Juristconsult fait part que l’article 14 de la FIAMLA impose l’obligation aux professionnels du droit de faire un rapport, dès que possible ou dans un délai maximum de 5 jours, pour toute transaction à laquelle ils ont raison de croire, d’être suspect.
En vertu des articles 13(2)(a) et 13(2)(b) de la FIAMLA, le directeur de la FIU peut demander des informations provenant de professionnels du droit qui ont soumis la déclaration d’opération suspecte ou d’autre personne déclarante qui est ou semble être impliquée dans la transaction.
Si les professionnels du droit ne fournissent pas les informations par la FIU en vertu des articles 13(2), 13(3) ou 13(6) de la FIAMLA, ils commettent une infraction et sont ainsi passibles à une amende n’excédant pas un million de roupies et à une peine d’emprisonnement n’excédant pas 5 ans comme stipulé dans les articles 19 et 32A de la FIAMLA.
Pour le cabinet Juristconsult, le légiste ne commettra en aucun cas une entorse à l’éthique s’il est appelé à divulguer des informations de son client. Car il faudrait pouvoir faire la distinction entre privilégier les données confidentielles du client et les obligations envers la loi.
Article publié dans le journal L’Hebdo le 25 Octobre 2020.