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Insights

COVID-19 en entreprise : Un employeur a-t-il le droit d’imposer la vaccination à ses salariés?

By Khemila Narraidoo and Ingrid Lecordier

Tantôt oui, tantôt non, les opinions diverses. Mais qu’est-ce que nos textes de loi prévoient?

Il convient de noter que la « Covid-19 (Restriction of Access to Specified Institutions) Regulations 2021) » qui a récemment été publié en vertu de la loi sous la « Quarantine Act 2020 » est en vigueur depuis le 21 juin 2021 et s'applique uniquement aux secteurs éducatif et médical. Selon cette réglementation, aucune personne ne peut avoir accès à une «specified institution» s'il ne présente pas sa carte de vaccination Covid-19 ou dans le cas où il ne peut pas être vacciné avec un vaccin Covid-19, il doit produire son résultat de test RT-PCR attestant un résultat négatif remontant à moins de 7 jours à compter de la date du test RT-PCR effectué. Les « specified institutions » concernent uniquement les établissements médicaux et éducatifs. Ce règlement ne s'applique ni aux étudiants de moins de 18 ans ni à une personne qui doit se soumettre à un traitement médical ni à une autre personne qui l'accompagne ni à une personne qui doit se procurer des médicaments auprès de cet établissement.

Actuellement, d’après cette loi, seul un employeur dans le secteur de la santé ou de l’éducation, ‘peut forcer son employé à se faire vacciner’ et ceci en lui refusant l’accès à son lieu de travail. Cependant, il est important de souligner que le « Covid-19 (Restriction of Access to Specified Institutions) Regulations 2021) » est limitée au «quarantine period » qui est désigné comme la période,  ‘ending on 31st July 2021 or such later date as may be prescribed.’ Nous comprenons que le gouvernement a décidé d’étendre la période de quarantaine jusqu’au 31 août prochain. Cette décision a été validée lors de la rencontre du Conseil de ministres le vendredi 23 juillet. En ce sens, les Covid-19 Regulations 2021 seront modifiées et les règlements concernant la fermeture des locaux et la restriction des activités continueront d’être appliqués. Donc, à moins que le législateur prolonge la période désignée comme « quarantine period », la question se pose si, après le 31 juillet 2021/31 aout, la vaccination contre la Covid-19 restera-t-elle une précondition pour accéder aux institutions désignées comme « specified institutions » ?

Quelles sont les obligations de l’Employeur ?

Afin de pouvoir analyser si un employeur peut obliger un employé à se faire vacciner avant d'avoir accès à son lieu de travail, il est essentiel de se pencher sur la loi du « Occupational Safety and Health Act 2005 » (OSHA). Conformément à l'article 5 (1) de l'OSHA, chaque employeur doit, dans la mesure du possible, assurer la sécurité, la santé et le bien-être au travail de tous ses employés. En outre, en vertu de l'article 94 (3) (b) de l'OSHA, le défaut d'un employeur d'assurer la sécurité, la santé et le bien-être d'un employé sur le lieu de travail peut entraîner une responsabilité pénale de l’employeur et ce-dernier peut être passible d'une amende ne dépassant pas MUR. 75 000 et à une peine d'emprisonnement n'excédant pas un an.

Bien que l'OSHA ne prévoie pas expressément le vaccin COVID-19 à des employés, en vertu de cette loi, l'employeur a le devoir et l'obligation légale de prendre les mesures nécessaires pour protéger ses employés pendant que ces derniers sont sur leur lieu de travail. À Maurice, la prise de température des employés avant qu'ils ne puissent accéder à leur lieu de travail a été considérée comme autorisée et un employeur a le droit de demander à un employé de consulter un médecin si la température corporelle de l'employé est supérieure à la température corporelle normale. Cela étant dit, les vaccins et tests PCR peuvent être considérés comme une mesure de sécurité plus élevée que l'employeur peut vouloir prendre avant de permettre à ses employés d'avoir accès à leur lieu de travail. Il est bien établi qu'un employeur a le pouvoir inhérent d'administration et de gestion au sein de son entreprise et qu'il peut organiser son entreprise selon les exigences du service et de manière à la faire fonctionner efficacement. Nous sommes d’avis que l’employeur doit prendre en considération plusieurs facteurs avant d’imposer la vaccination sur les employés avant que ces derniers puissent avoir accès à leur lieu de travail, notamment, la disponibilité du vaccin sur le marché, l’efficacité du vaccin, l’innocuité, la sécurité ainsi que les obligations de l’employeur sous l’OSHA.  

Bien que certaines entreprises ne relèvent pas de la catégorie des « institutions spécifiées », elles ont souligné l'importance des vaccins ainsi que les tests RT-PCR comme méthode de prévention de la propagation de l'infection. Nous notons également l’utilisation fréquente du ‘rapid-test’ de Covid-19 qui est maintenant disponible sur le marché mauricien. Nous ne pouvons pas prédire comment la pandémie évoluera et nous sommes d’avis que l’employeur peut mettre en place des mesures de précautions qu’il juge nécessaire mais qu’il doit pouvoir s’expliquer sur la légitimité de ces mesures de précautions tout en prenant compte l’intérêt des employés, tout en respectant les termes du contrat de travail des employés. Cependant, la situation devrait être réévaluée régulièrement pour s'assurer que la « légitimité » des mesures de précautions est toujours présente en raison du taux d'infection. Si le taux de contamination diminue à l'avenir, l'employeur peut alors envisager de revoir la rigueur des mesures de précautions contre la Covid-19 pour assurer leur légitimité.

Est-ce que l’imposition du vaccin pourrait être considérée comme discriminatoire?

Outre le fait qu'il existe une possibilité d'atteinte aux droits constitutionnels d'une personne en rendant obligatoire la vaccination, nous pensons qu'il existe certainement un élément de discrimination, c'est-à-dire pour les catégories des employés dont les conditions médicales les empêchent de se faire vacciner. Dans ce paragraphe, nous examinerons la situation où l’employé en question souhaite se faire vacciner mais ne peut pas le faire en raison de conditions médicales, par exemple, l’employée est enceinte. Jusqu'à présent, l'Organisation Mondiale de la Santé (« OMS ») mène toujours des études et des tests pour examiner l'innocuité et l'efficacité du vaccin contre la COVID-19 chez les enfants et les femmes enceintes. Pour l'instant, il n'est toujours pas conseillé à une femme enceinte de se faire vacciner pendant sa grossesse. Dans le cas d'une employée enceinte, elle ne serait pas vaccinée et ne pourrait donc venir à son lieu de travail. À ce titre, nous devrions nous tourner vers les dispositions sous-jacentes à la « discrimination dans l'emploi et la profession » en vertu de l'article 5 de la Workers’ Rights Act (« WRA »), qui prévoit ce qui suit :

(1) (a) Aucun employeur ne doit traiter de manière discriminatoire un travailleur qui est à son emploi.

(b) Aucun employeur potentiel ne doit traiter une personne de manière discriminatoire en ce qui concerne l'accès à l'emploi.

……….

(5) Dans cette section –

« discrimination » comprend le fait d'accorder un traitement différent à –

(a) différents travailleurs attribuables, entièrement ou principalement, à leur description respective selon l'âge, la race, la couleur, la caste, la croyance, le sexe, l'orientation sexuelle, le genre, le statut VIH, la déficience, l'état matrimonial ou familial, la grossesse, la religion, l'opinion politique, lieu d'origine, d'ascendance nationale ou d'origine sociale, qui a pour effet d'annuler ou de porter atteinte à l'égalité de chances ou de traitement dans l'emploi ou la profession….

À la lumière des articles de loi ci-dessus, on peut en déduire qu'en empêchant l’accès à une femme enceinte qui n'a pu se faire vacciner en raison de sa grossesse, à son lieu de travail,  l'employeur « accorderait un traitement différent » à ladite salariée. Cela peut être interprété comme discriminatoire à l'égard de la dudite employée.

Et qu’en est-il des opportunités égales au demandeur d’emploi?

L'article 10 de « Equal Opportunities Act 2008 » sur l'égalité des chances prévoit qu’aucun employeur ou employeur potentiel ne doit discriminer une autre personne,

« . (a) dans l'annonce d'un emploi;  b) dans les dispositions qu'il prend aux fins de déterminer qui devrait se voir offrir un emploi;  (c) pour déterminer qui devrait se voir offrir un emploi;  (d) dans les termes ou conditions auxquels l'emploi est offert; ou  (e) en refusant ou en omettant délibérément d'offrir un emploi à cette personne… »

Sur la base des dispositions ci-dessus, il est évident qu'un employeur ne devrait pratiquer aucune forme de discrimination dans le choix de la personne à nommer pour un poste. Cela s’applique, non seulement dans le cadre d’un employé existant mais également d’un candidat potentiel.

Certaines personnes souhaiteraient recevoir le vaccin mais, en raison de conditions médicales, ne sont pas autorisées à se faire vacciner. Il s'agit notamment des femmes enceintes et des personnes souffrant d'allergies. En rendant obligatoire la vaccination à des demandeurs d'emploi, l'employeur enfreindrait la loi de 2008 sur l'égalité des chances.

Et concernant l’efficacité du vaccin dans le contexte local ?

A Maurice, par exemple, le pays a connu un nombre record de nouvelles infections le 18 juillet 2021; notamment 305 cas positifs ont été détectes suite à un exercice de dépistage ciblant 2 dortoirs, dont les résidents étaient tous vaccinés contre la Covid-19.  Alors que 5 d’entre eux présentent de légers symptômes (état fiévreux), les 300 autres patients étaient totalement asymptomatiques.  Se basant sur ces chiffres, on peut conclure que l’efficacité du vaccin est limitée à protéger la personne vaccinée contre le développement des formes graves de la maladie et des complications sévères mais n’aide pas à empêcher la contraction ou même la transmission du virus dans la population. Par conséquent, la question se pose si un employeur, en vertu de ses obligations sous l’OSHA, pourra justifier une politique de vaccination obligatoire contre la Covid-19 comme étant nécessaire pour éviter la propagation du virus au sein de son entreprise et ainsi assurer un environnement sécurisé pour ses employés. 

Cependant, dans le fameux jugement de Vavricka and Others v. the Czech Republic rendu par le Grand Chamber of the European Court of Human Rights (ECtHR), le ECtHR a reconnu que la vaccination obligatoire pour les enfants au Republic de Czech était « in a reasonable relationship of proportionality to the legitimate aims pursued by the Czech State (to protect against diseases which could pose a serious risk to health) through the vaccination duty).” Après avoir fait un balancing exercise, le ECtHR avait conclu que ces mesures peuvent être considérées comme étant ‘nécessaire dans une société démocratique’.

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