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Actualités

COVID-19 et force majeure en droit sénégalais

Alerte COVID-19

Le Sénégal vit depuis le 28 février 2020 la pandémie du COVID-19.[1] Celle-ci a mobilisé les plus hautes institutions étatiques qui ont pris à cet effet une série de mesures pour juguler les conséquences socio-économiques et surtout sanitaires.[2] Plusieurs impacts sont à signaler d’ores et déjà, y compris la suspension de certaines activités économiques ou à tout le moins la modification de leurs modalités de réalisation.

L’objet de cette note est d’analyser ces impacts sur l’exécution des conventions, et en quoi ils peuvent conduire à la force majeure au regard du droit sénégalais.

COVID-19 et la définition de la force majeure

  • ·Les critères de définition de la force majeure

Le Code des Obligations Civiles et Commerciales (COCC) dispose que : « il n’y a pas de responsabilité si le fait dommageable est la conséquence d'une force majeure ou d'un cas fortuit, c'est-à-dire d'un événement extérieur, insurmontable et qu'il était impossible de prévoir. »[3]

Cette énumération permet de retenir trois critères de définition de la force majeure : l’extériorité, l’imprévisibilité et l’insurmontabilité.

1. Extériorité

L'événement potentiellement constitutif de force majeure doit d’abord être extérieur à la volonté de la partie qui l’invoque. Cela signifie que la partie qui invoque la force majeure ne doit pas en être à l’origine ni en être impliquée dans la survenance. Cette exigence d’extériorité a été bien illustrée dans une décision rendue par la Cour de Cassation sénégalaise qui a retenu que : «  La qualification de force majeure ne saurait être reconnue à la grève alors qu'elle a éclaté au sein de l'entreprise qui l'invoque. L'exigence d'extériorité n'est pas satisfaite et l'imprévisibilité apparaît vraisemblable. »[4]

2. Imprévisibilité

Au sens de l’article 129 sus énoncé, l'événement en cause doit être imprévisible aux parties concernées au jour de la conclusion du contrat. Autrement dit, les parties contractantes ne doivent être raisonnablement en mesure de prévenir l'événement potentiellement constitutif de force majeure pour en anticiper et limiter le dommage.

Si l’imprévisibilité n’est pas établie, ou si elle apparaît invraisemblable, la force majeure sera écartée. C’est ce que la Cour de Cassation a retenu dans la décision sus évoquée.

L’expansion fulgurante de COVID-19 est de nature à ne pas assurer suffisamment de marge aux opérateurs économiques de s’en prémunir.

3. Insurmontabilité

Pour pouvoir invoquer l’insurmontabilité prévue par l’article 129 du COCC, le débiteur de l’obligation doit établir que l’évènement survenu empêche l’exécution d’une telle obligation.

Par exemple : les mesures prises par le gouvernement sénégalais à l’occasion de COVID-19 (fermeture de frontières, couvre-feu à certaines heures, etc.) peuvent rendre l'exécution de certains contrats particulièrement délicate voire impossible.

  • Les modalités de mise en œuvre de la force majeure

Il convient de noter que la force majeure doit être appréciée par le juge. La Cour suprême du Sénégal le rappelle en ces termes : « La force majeure est une notion de droit soumise au contrôle de la Cour suprême sous réserve des constatations souveraines des juges du fond. »[5]

Toutefois, l'appréciation judiciaire des critères légaux de la force majeure n’empêche pas pour autant une définition contractuelle de la force majeure.

Dans ce cas, l'événement constitutif de force majeure est apprécié par les parties contractantes.

Cette faculté laissée aux parties est prévue par l’article 132 du COCC qui dispose qu’il peut être convenu que la survenance d'un événement déterminé sera considéré́ comme créant le cas fortuit ou la force majeure.

Les critères légaux de la force majeure sont pour ainsi dire supplétifs de la volonté contractuelle.

Le COVID-19 et les conséquences de la force majeure

  • La force majeure et le sort de conventions affectées

Une fois la force majeure établie, le contrat est alors suspendu ou résilié selon la durée de la force majeure, la nature ou encore la durée de la convention affectée.

Dans l'hypothèse de contrats de longue durée, un cas de force majeure temporaire comme une pandémie peut entraîner la suspension de la convention affectée jusqu’à la cessation de la pandémie. Tel pourrait être le cas du COVID-19.

Lorsque l'exécution du contrat devient impossible notamment en cas de disparition de l’objet du contrat, la force majeure devient une condition légale de résiliation du contrat.[6]

  • La force majeure et la responsabilité des parties contractantes

La force majeure constitue une source d'exonération de responsabilité.[7] La responsabilité contractuelle ne peut être dès lors engagée en ce qui concerne les obligations affectées par la force majeure et la partie concernée en est dès lors libérée. Aussi, il convient de noter que la personne affectée ne doit pas être liée à un quelconque manquement personnel ayant provoqué l’inexécution dommageable du contrat en cause. Lorsque la faute de l’auteur du dommage est établie, l’effet exonératoire de la force majeure ne joue plus.[8]

La présente note ne constitue pas un avis juridique sur les questions évoquées. Elle renferme des orientations générales non applicables à de situations spécifiques qui méritent au demeurant une analyse au cas par cas et qui peuvent mobiliser le cas échéant l’application de règles spéciales en vigueur au Sénégal.

Notes de bas de page
1Voir Déclaration de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) disponible suivant ce lien: http://www.euro.who.int/fr/health-topics/health-emergencies/coronavirus-covid-19/news/news/2020/3/who-announces-covid-19-outbreak-a-pandemic
2Voir Déclaration d’état d’urgence au Sénégal par le Président de la République, disponible sur : http://www.sante.gouv.sn/Actualites/message-de-sem-le-président-sall-déclaration-d’état-d’urgence-dans-le-cadre-de-la-lutte
3Article 129 du Code des Obligations Civiles et Commerciales.
4Cour de cassation, 20 octobre 2004, Arrêt Numéro 142, disponible sur : https://juricaf.org/arret/SENEGAL-COURDECASSATION-20041020-142
5Cour suprême, Chambre administrative, 24 juin 2014, Arrêt Numéro 38 disponible sur : https://juricaf.org/arret/SENEGAL-COURSUPREME-20140624-38
6Article 92 du Code des Obligations de l’administration
7Articles 90 du Code des Obligations de l’administration et 129 du COCC
8Article 129 alinéa 2

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