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Actualités

Nouveau Code des Investissements du Bénin : Focus sur les principales innovations

Par Mouhamed Kebe

Le Bénin a adopté un nouveau Code des investissements, (le Code), à travers la loi n°2020‐02 du 20 mars 2020 portant Code des investissements en République du Bénin. Ce texte abroge et remplace la loi n°90‐002 du 09 mai 1990 portant Code des investissements et ses textes modificatifs consécutifs à son adoption.

Le Code comporte 54 articles dont les dispositions sont exhaustives sur les sujets qu’elles adressent contrairement à l’ancien code qui comporte plus d’articles dont les dispositions n’étaient pas toujours complètes. Le nouveau dispositif comporte au fond nombre d’innovations allant du renouvellement du cadre institutionnel au réaménagement des règles fiscales en passant par une révision des modes de règlement de différends. Il s’inscrit ainsi dans un objectif de transparence et d’attractivité des investissements en République du Benin.

La présente analyse revient sur les principales innovations à la lumière du contexte règlementaire local et régional en Afrique de l’Ouest.

Le réaménagement du régime d’agrément

Ce réaménagement se manifeste autant dans la typologie de catégories de sous-régimes contenus dans le régime d’agrément que dans les activités désormais exclues de ce régime.

Alors que l’ancien code prévoyait un (1) régime de droit commun, cinq (5) régimes privilégiés (A, B, C, D, E) et un (1) et un régime spécial (entreprises artisanales notamment)1, le code de 2020 prévoit un (1) régime de droit commun et des régimes privilégiés comportant trois (3) régimes privilégiés de base et deux (2) régimes spéciaux dont les contenus respectifs doivent être déterminés dans les actes règlementaires d’application du Code. Les régimes privilégiés de base (A, B, C) offrent aux entreprises nationales et étrangères de droit béninois, des avantages douaniers et fiscaux. Quant aux régimes privilégiés spéciaux à savoir le régime d’incitation sectorielle et le régime des investissements spécifiques, il faut noter que le premier vise à encourager les investissements dans des activités ou secteurs économiques jugés stratégiques pour les entreprises éligibles en régimes A et B conformément à un décret pris en Conseil des Ministres et le second vise à faciliter la réalisation de projets d’infrastructures et d’équipements à usage touristique, culturel, sportif, sanitaire et éducatif.

Au titre des activités exclues du régime d’agrément, il y a les activités consistant en l’achat pour la revente en l’état, les activités de reconditionnement, de découpage, de torsadage ou d’emballage de produits finis ou semi‐finis et toutes autres activités n’entraînant pas une ouvraison ou une transformation au sens de la nomenclature douanière2.

Avantages fiscaux et garanties accordés aux investissements

Le Code offre par rapport à l’ancien des incitations et avantages fiscaux clairs et précis et de nouvelles garanties accordées aux investisseurs.

Concernant les avantages et incitations fiscaux, il convient de noter que le Code insère de nouveaux avantages. Ainsi, au titre du régime A et pendant la période d’exploitation, l’investisseur bénéficie de l’exonération de l’Impôt sur les Sociétés (IS), de l’Acompte sur Impôt assis sur les Bénéfices (AIB), de l’impôt minimum forfaitaire, de l’exonération de la contribution des patentes et licences et réduction de 50 % du montant du versement patronal sur salaires. Alors que dans l’ancien texte, pour cette même catégorie, l’investisseur n’avait droit, pendant la période d’exploitation qu’à l’exonération de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et l’exemption des droits et taxes de sortie applicables aux produits préparés, manufacturés et exportés par l’entreprise3.

Aussi, dans le régime B et pendant la période d’exploitation, le nouveau code confère à l’investisseur une exonération de l’impôt sur les sociétés (IS), de l’Acompte sur Impôt assis sur les Bénéfices (AIB) et l’impôt minimum forfaitaire, l’exonération de la contribution des patentes et licences et la réduction de 80 % du montant du versement patronal sur salaires4. En comparaison, dans l’ancien code, le législateur prévoyait pour le même régime et la même phase : l’exemption des droits et taxes de sortie, applicables aux produits préparés, manufacturés et exportés par l’entreprise et l’exonération de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux5.

Au titre des garanties accordées aux investisseurs, il y a la protection des droits de propriété intellectuelle, notamment les brevets, marques et noms commerciaux, la protection de la propriété privée des biens ainsi qu’à tous ses aspects juridiques et commerciaux de la propriété, à ses éléments et démembrements, à sa transmission et aux contrats dont ils font l’objet. S’y ajoute la facilitation par l’État de l’accès des investisseurs aux zones industrielles aménagées, aux terres agricoles, aux zones d’intérêt touristique ou à toutes autres zones aménagées pour des investissements selon la réglementation en vigueur sans que cela puisse être perçu par l’investisseur comme une obligation de résultat.

Les exigences en matière du contenu local et de transparence dans la réalisation des investissements

On note une certaine responsabilisation des investisseurs dans leurs rapports avec les populations locales d’une part et le renforcement de la transparence dans la réalisation des investissements dans le Code d’autre part. Ainsi, les investisseurs internationaux sont exhortés à renforcer le savoir-faire du personnel local par la formation et le transfert de technologies6. Mieux, toute entreprise qui sollicite l’un des régimes privilégiés visés à l’article 4 de la loi de 2020 doit s’engager à contribuer à accroître la qualification de ses collaborateurs locaux, notamment par la formation continue, le développement de leurs compétences et le transfert de technologies7.

En outre, le renforcement de l’exigence de transparence dans la réalisation des investissements se manifeste dans le code à travers l’interdiction explicite de tout acte de corruption et de tout acte d’infractions connexes avant, pendant ou après son établissement par l’investisseur8 ainsi que l’interdiction de l’utilisation des fonds pour réaliser l’investissement provenant d’activités illicites9.

Le renouvellement du cadre institutionnel

Dans l’ancien code, la formulation de la demande d’agrément se faisait auprès du Ministre chargé du plan suivi de son examen et de son instruction par La Commission Technique Investissements (CTI). Cette commission proposait le retrait de l'agrément en cas de besoin et donne son avis motivé sur les demandes de remboursement des cotisations au fonds national d'investissement. Désormais, il existe trois principales institutions de l’État en charge de la promotion des investissements à savoir :

  • L’Agence nationale en charge de la promotion des investissements qui est l’organe technique de l’État qui exerce les fonctions de guichet unique en vue de faciliter les formalités administratives relatives à l’agrément des projets attachés au Code de 2020. Elle veille également au suivi des cahiers des charges des entreprises10.
  • La Commission de Contrôle des Investissements qui est chargée de vérifier la conformité des investissements, le respect des engagements de l’investisseur et d’attester la fin de la période d’installation de l’investisseur 11; et
  • Le Comité Interministériel de Promotion des Investissements (CIPI) qui est l’organe chargé du suivi et de l’évaluation de tous les investissements ayant bénéficié des avantages prévus par le nouveau Code. Il supervise également à travers sa cellule d’appui les activités de l’Agence nationale en charge de la promotion des investissements et celles de la Commission de Contrôle des Investissements12.

Réaménagement des modes de règlement de différends liés aux investissements

L’ancien code tout comme le nouveau prévoit une procédure de règlement à l’amiable en cas de différends entre les investisseurs et l’État. L’accord transactionnel qui pourrait en résulter, tiendra sans doute lieu de loi aux parties qui s’efforceront de l’exécuter dans les meilleurs délais. Le Code de 2020 ajoute néanmoins que difficultés d’interprétation des dispositions du présent Code sont réglées par voie d’instructions ou de circulaires du Comité Interministériel de Promotion des Investissements sur proposition de l’Agence nationale chargée de la promotion des investissements.

En outre, les parties peuvent, désormais convenir de soumettre leur différend au Centre d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation (CAMeC) et et international à l’arbitrage de l’OHADA, de l’Agence Multilatérale de Garantie des Investissements (AMGI) et du Centre International de Règlement de Différends relatifs aux Investissements (CIRDI)13. Il convient de noter que le choix du CAMeC et de la CCJA se justifie par le fait que le Bénin abrite le CAMeC d’une part et est membre d’autre part de l’OHADA dont la CCJA est une des institutions. Ce recours à la CCJA s’explique aussi par la réforme récente du droit de l’arbitrage OHADA qui s’ouvre désormais expressément à l’arbitrage d’investissement. 

Globalement, le Code, comporte nombre d’innovations visant à reviser le régime d'agrément, valoriser le contenu local et renforcer les exigences de protection des droits fondamentaux et de transparence dans la réalisation des investissements.

Notes de bas de page
1Article 11
2Ibid.
3Article 39.2 de l’ancien Code. Notons que ces avantages fiscaux ont été supprimés dans le code de 2020.
4Article 37.2
5Article 43.2 de l’ancien code. Notons aussi que ces avantages fiscaux ont été supprimés dans le code de 2020.
6Article 21
7Article 23
8Article 25
9Ibid.
10Article 8
11Article 9
12Article 10
13Article 45

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