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Actualités

Nouveau code du travail du Togo : Aperçu sur les innovations majeures

Le 29 décembre 2021, le Togo a adopté une nouvelle loi portant code du travail (‘’le Nouveau Code’’) abrogeant ainsi et remplaçant la loi N°2006-010 du 13 décembre 2006 portant code du travail au Togo (‘’l’Ancien Code’’).

 L’adoption du Nouveau Code intervient dans un contexte d’économie globalisée, de flexibilité dans le marché l’emploi, d’accroissement de nouvelles technologies de l’information et de la communication et de la nécessité de renforcement de la sécurité et du dialogue sociaux.

Le Nouveau Code est plus exhaustif que l’Ancien Code[1] et couvre de nouvelles questions comme la règlementation du stage, le télétravail ou le travail à distance ou encore l’assurance maladie obligatoire pour le secteur privé formel au profit des employés.

  Le Nouveau Code s’applique de plein droit aux contrats individuels en cours[2]. Ses dispositions ne peuvent cependant être une cause de rupture du contrat de travail ni entraîner la réduction des avantages de toutes natures, individuels ou collectifs, acquis par les travailleurs en service à la date de leur publication[3]. S’agissant spécifiquement de l’obligation de souscription à une assurance maladie au profit de leurs travailleurs nouvellement mise en place, les employeurs disposent d’un délai de 12 mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi pour y satisfaire[4].

 La présente analyse revient sur les innovations majeures du Nouveau Code. Ces innovations sont relatives notamment au champ d’application, au télétravail, au licenciement, aux sanctions en cas de violation des règles applicables et au règlement de différends.

 Extension du champ d’application du code de travail aux stages

 Le Nouveau Code régit les relations de travail (individuelles et collectives) entre les travailleurs et les employeurs exerçant leurs activités professionnelles sur le territoire de la République togolaise, ainsi que les relations entre ces employeurs et les stagiaires ou les apprentis placés sous leur autorité[5].

 La principale innovation se rapporte aux relations entre employés et stagiaires qui sont de plus en plus régies par des régimes légaux spécifiques en Afrique[6]. Le Nouveau Code consacre deux types de stages à savoir le stage-études et le stage de qualification ou d’expérience professionnelle[7]. Le premier vise la validation d’un diplôme ou d’une formation professionnelle tandis que le second tend à donner au stagiaire une formation pratique lui permettant d’acquérir une qualification ou une expérience professionnelle. Le stage de qualification, contrairement au stage-études, s’effectue en contrepartie d’une rémunération forfaitaire qui ne peut être inférieure au 80% du stage[8].

 Consolidation du cadre institutionnel

 Outre le rôle d’élaboration des règles d’application du Nouveau Code dévolu au Ministère en charge de l’emploi, l’inspection du travail et des lois sociales joue un rôle clé dans la mise en œuvre de la législation de travail au Togo. L’inspection veille notamment à l’application des règles édictées en matière de travail, conduit des enquêtes sur les risques professionnels, fournit de conseils et de recommandations aux employeurs et aux travailleurs et d’intervenir en cas de différends individuels entre les deux pour un règlement amiable[9].

En outre, les entités effectuant des activités de placement sont agréées par l’État tandis que le service public de l’emploi est assuré par l’Agence Nationale pour l’Emploi (ANPE). L’activité de placement se réalise dans le fait pour toute personne physique ou morale de servir d’intermédiaire pour trouver un emploi à un demandeur d’emploi[10].

 Consécration de nouveaux types de contrats de travail

 Les contrats de travail à durée déterminée et les contrats de travail à durée indéterminée ainsi que l’engagement à l’essai figurant dans l’Ancien Code sont repris dans le Nouveau. Ce dernier règlemente de plus désormais expressément les contrats suivants : le contrat saisonnier, le contrat de projet, le contrat à temps partiel ainsi que le contrat de travail intérimaire[11]. L’extension des offres contractuelles de travail constitue une importante innovation qui répond aux réalités du marché de l’emploi de plus en plus empreint de flexibilité et d’innovation.

 Nouvelles obligations à la charge des employeurs 

L’une des principales innovations du Nouveau Code se rapporte à la mise en place d’une assurance maladie obligatoire à la charge des employeurs. Ces derniers ont désormais l’obligation de souscrire au profit de leurs travailleurs un contrat d’assurance couvrant les risques liés à la maladie et aux accidents non professionnel[12]. Les cotisations au titre de cette assurance maladie sont payées conjointement par l’employeur et l’employé conformément aux textes règlementaires.

 Aussi, le régime des obligations d’immatriculation et d’affiliation à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale est désormais expressément prévu par le Code du travail. Ce dernier précise notamment que l’employeur est responsable de l’immatriculation et de l’affiliation des travailleurs auprès des organismes de protection sociale sous peine de sanctions administratives et pénales prévues par le Code de sécurité sociale[13].

 Consécration du télétravail

 Le télétravail ou le travail à distance est l’une des principales innovations du Nouveau Code. Il y est défini comme « la prestation de travail effectuée en tout ou partie par le travailleur, notamment au moyen des technologies de l’information et de la communication, hors du lieu où le travail aurait dû être exécuté »[14].

Le Nouveau Code précise que le régime de télétravail est fixé dans les conventions ou accords collectifs de travail et, à défaut, dans le règlement intérieur de l’entreprise ou de l’établissement ou encore dans le cadre d’un accord entre le travailleur et l’employeur[15].

 Dans tous les cas, précise le Nouveau Code, l’employeur met à la disposition du télétravailleur ou du travailleur à distance les moyens matériels, techniques et technologiques nécessaires ou à défaut, lui verse en contrepartie une indemnité compensatrice au cas où le télétravailleur ou le travailleur à distance utilise son propre matériel ou ses propres moyens[16]. De plus, le télétravailleur bénéficie des mêmes droits que le travailleur qui exécute sa prestation de travail dans les locaux de l’entreprise ou de l’établissement[17]. L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de la prestation de travail du télétravailleur est un accident du travail au sens du Code togolais de sécurité sociale.

 Réaménagement du régime de fin de contrats de travail et amélioration du régime de licenciement pour motif économique

 Outre la mise en place de dispositions spécifiques relatives à la rupture conventionnelle des contrats de travail[18] d’une part et d’autre part à la consécration de dispositions particulières relatives à la rupture de contrats d’engagement à l’essai et de contrats de projet[19], le Nouveau Code réaménage les dispositions jusqu’alors applicables au licenciement pour motif économique.

 Ainsi, il est requis de l’employeur qui envisage de licencier pour motif économique de prendre de solutions alternatives en concertation avec les représentants des travailleurs et de rechercher avec eux toutes solutions permettant le maintien des emplois. Parmi ces solutions, on note la réduction du temps de travail ou des activités, la réorganisation du travail, le travail par roulement, le travail à temps partiel, le chômage technique, la formation ou le redéploiement du personnel, l’octroi des congés non jouis ou anticipés, la mise temporaire au chômage de tout ou partie du personnel, la réduction des primes, des indemnités et avantages de toute nature, le cas échéant des salaires[20]. Ces mesures alternatives ont prouvé leur importance durant la pandémie de Covid-19 et étaient reprises par nombre de législations sociales en Afrique[21].

 De plus, précise le Nouveau Code, les travailleurs licenciés pour motif économique bénéficient d’une mesure d’accompagnement, non imposable, payée par l’employeur et qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut en sus de l’indemnité de préavis et de l’indemnité de licenciement[22]. En outre, les travailleurs se trouvant dans cette situation bénéficient également d’une priorité de réembauchage de 24 mois à compter de la date de la rupture de leur contrat. Ainsi, la durée de la priorité de réembauchage se trouve largement étendue à 24 mois contrairement aux 6 mois prévus par l’Ancien Code[23].

 Sanctions disciplinaires et dispositions pénales en cas de violation du Code de travail

 Outre la reprise des sanctions pénales figurant dans l’Ancien Code, Le Nouveau Code prévoit désormais de sanctions disciplinaires consécutives à des agissements considérés comme fautifs de l’employé et mises en œuvre par l’employeur. Le Nouveau Code liste les sanctions disciplinaires et fixe des limites relatives à leur application. Ainsi, il est interdit à l’employeur d’infliger des sanctions pécuniaires au travailleur tout comme il lui est interdit de sanctionner deux fois un même fait fautif[24]. Aussi, Le Nouveau Code précise qu’aucun fait fautif du travailleur ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux (02) mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance à l’exception de faits susceptibles de poursuites pénales[25].

 Du point de vue de sanctions pénales, on constate notamment une aggravation de peines prévues. Il en est ainsi de l’interdiction de principe d’employer les enfants de moins de 15 ans (‘’jeunes travailleurs’’ au sens du Nouveau Code) qui est désormais punie d’une amende de 500.000 à 2.000.000 FCFA et, en cas de récidive, d’une amende de 1.000.000 à 5.000.000 FCFA[26]. L’Ancien Code prévoyait une amende de 50 000 à 100 000 FCFA et en cas de récidive, d’une amende de 100 000 CFA à 200 000 FCFA[27].

 Réaménagement de l’arbitrage comme de mode de règlement de différends

 La procédure de règlement de différends concernant les différends individuels reste relativement la même devant l’Inspection de travail et dans les tribunaux de travail autant dans l’Ancien Code que dans le Nouveau.

 S’agissant des différends collectifs entre une collectivité de salariés et un employeur ou un groupe d’employeurs, ceux-ci demeurent soumis à l’arbitrage en cas d’échec de la procédure de conciliation devant l’Inspection de travail.

 Si la procédure d’arbitrage est prévue par l’Ancien Code en conférant au ministre chargé du travail le pouvoir de désigner les membres du tribunal arbitral sur la base de critères statutaires légalement identifiés[28], le Nouveau Code libéralise ce mode de règlement de différends en accordant aux parties litigantes la liberté de désigner l’arbitre unique ou le conseil d’arbitrage sur la base d’une liste établie par arrêté du ministre chargé du travail sur proposition des organisations syndicales d’employeurs et de travailleurs[29].

 Aussi, pour plus d’efficacité, la sentence arbitrale est désormais notifiée aux parties et à l’inspecteur du travail et des lois sociales par lettre recommandée avec accusé de réception dans les 48 heures suivant la date à laquelle elle a été rendue[30]. L’Ancien Code précisait juste que la sentence était notifiée sans délai aux parties[31]. Dans tous les cas, il convient de noter qu’un tel arbitrage est mis en place et conduit sous les auspices de l’État et ne s’inscrit pas dans le cadre de l’arbitrage de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage.

Au total, le Nouveau Code vient à point nommé dans un contexte marqué par la pandémie du Covid-19 aux nombreuses conséquences disruptives. Ces dernières n’épargnent pas le marché de l’emploi, les outils de travail et la sécurité sociale. L’application optimale du Nouveau Code reste toutefois conditionnée par l’avènement des textes d’application que les autorités togolaises seraient appelées à adopter prochainement.

 Tableau synoptique des principales évolutions règlementaires entre 2006 et 2020 

 

Code de travail de 2006

Code de travail de 2020

Intérêts de la réforme

Champ d’application du Code

Contrats de travail

Conventions collectives

Contrats de travail

Conventions collectives

+Contrats de stage

Protection des intérêts des stagiaires et responsabilisation des employeurs

Types de contrats de travail

CDD

CDI

Engagement à l’essai

CDD

CDI

Engagement à l’essai

+Contrat saisonnier

Contrat de projet

Contrat à temps partiel

Contrat de travail intérimaire

Flexibilité au marché de l’emploi

Assurance-maladie obligatoire

N/A

Assurance-maladie obligatoire à la charge des employeurs

Renforcement de la sécurité sociale

Télétravail/Travail à distance

N/A

Régime légal du Télétravail

Flexibilité et digitalisation au marché de l’emploi

Licenciement pour motif économique (LME)

Régime légal de mise en œuvre du LME

Régime légal du LME

Propositions légales alternatives au LME

Politique de sauvegarde des emplois

Arbitrage de différends collectifs de travail

Régime de l’arbitrage strictement encadré par la loi

+Pouvoir de nomination des arbitres accordés aux parties

Renforcement de la confiance des employés et des employeurs en l’arbitrage

         

 

 

[1] Il comporte 378 articles contrairement à l’ancien qui était limité à 308.

[2] Article 375

[3] Ibidem

[4] Article 376

[5] Article 1er

[6] Voir notamment le Décret n°2015-777 du 02 juin 2015 fixant les règles applicables au contrat de stage au Sénégal et le décret n° 2018-33 du 17 janvier 2018 sur les pratiques de mise en oeuvre du contrat stage de qualification ou d’expérience professionnelle en Côte d’Ivoire.

[7] Voir notamment les articles 122 à 130.

[8] Article 130

[9] Article 234

[10] Article 246

[11] Articles 56-63

[12] Article 236

[13] Article 210

[14] Article 184

[15] Ibid.

[16] Ibid.

[17] Article 185

[18] Article 102

[19] Respectivement articles 73 et 101

[20] Article 91

[21] Voir par exemple au Sénégal ’Ordonnance n° 001-2020 du 08 avril 2020 aménageant des mesures dérogatoires au licenciement et de réaménagement du régime du chômage technique durant la période de la pandémie du Covid-19

[22] Article 95

[23] Article 75 de l’Ancien Code.

[24] Article 120

[25] Article 121

[26] Article 354

[27] Article 293

[28] Article 260

[29] Articles 313 et 314

[30] Article 316

[31] Article 262