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Actualités

Nouvelle loi relative aux contrats de Partenariat Public-Privé au Sénégal : Analyse des principales innovations

Legal update

Par Mouhamed Kebe

Le Sénégal, à l’instar de plusieurs pays africains1, a adopté le 22 février 2021 une nouvelle loi relative aux contrats de partenariat public-privé (la loi) abrogeant ainsi la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 portant sur le même objet. La loi s’inscrit notamment dans un contexte de modernisation et rationalisation du régime juridique de partenariats public-privé (PPP) et de renforcement des intérêts de l’Etat et des acteurs économiques locaux.

La présente analyse porte sur les dispositions clés de la loi sénégalaise sur les PPP adoptée. Elle se rapporte notamment au champ d’application, à la passation et à l’exécution des PPP ainsi que celles relatives au règlement de différends. Elle est axée principalement sur une comparaison de la loi par rapport à l’ancienne loi applicable et aux meilleures pratiques juridiques en matière de PPP en Afrique.

Champ d’application

La loi s’applique aux contrats de PPP de différents secteurs de la vie économique à l’exception de contrats conclus entre autorités contractantes, des contrats de partenariat conclus dans certains secteurs (mines, énergies et télécommunications), les contrats mettant en cause les intérêts essentiels de l’État notamment en matière de défense et de sécurité, ceux conclus en vertu de droits exclusifs, les contrats impliquant une situation de quasi-régie et les contrats portant sur la privatisation ou la cession des entreprises, biens et équipements en infrastructure des autorités contractantes2.

La loi a également vocation à s’appliquer autant aux contrats de partenariat à paiement public qu’aux contrats à paiement par les usagers. Elle tend ainsi à harmoniser le régime de la commande publique contrairement à l’ancienne loi qui s’appliquait uniquement aux contrats à paiement public.

En outre, la loi est applicable à toutes les opérations dont l’avis d’appel public à la concurrence a été publié postérieurement à son entrée en vigueur. Aussi précise soit-elle, une telle disposition ne semble pas prendre en compte les autres modes de conclusion des PPP et les étapes de passation qui leurs sont propres n’incluant pas forcément l’étape de publication d’un appel public à la concurrence3. Il en est ainsi par exemple des procédures d’offre d’initiative privée (notion remplaçant celle d’offre spontanée) et d’entente directe.

Cadre institutionnel

On assiste tout d’abord à une refonte du cadre institutionnel avec la mise en place de nouveaux organes comme le conseil interministériel qui semble se substituer au rôle joué par le Premier ministre (institution supprimée actuellement au Sénégal) dans l’ancienne loi d’une part et d’autre part le fonds d’appui aux PPP nouvellement institué avec pour mission de soutenir et de financer la préparation, la passation et l’exécution de contrats de PPP.

La loi prévoit ensuite l’organe chargé de régulation des marchés publics comme l’organe de régulation de PPP. Si une telle innovation participe d’une rationalisation institutionnelle, il est important de préciser qu’un tel organe est prévu initialement pour les marchés publics dont le régime varie relativement de celui de PPP. Dès lors, il convient d’adapter le texte régissant l’organe de régulation des marchés publics pour tenir compte des spécificités des PPP dont il assumerait désormais la régulation.

Procédures de conclusion de contrats de PPP

La conclusion des PPP comporte plusieurs phases strictement encadrées par la loi.

Phase de l’évaluation préalable

La principale innovation de la loi se rapporte à la mise en place de l’Unité Nationale d’Appui aux PPP qui rend un avis consultatif pour la conclusion ou non des contrats de PPP. Cet organe a plus généralement pour rôle de d’assister et de conseiller les autorités contractantes à toutes les étapes du cycle de vie des projets de PPP.

Budgétisation et comptabilisation

Cette exigence préalable est l’une des principales innovations de la loi qui est conforme au demeurant au défi de soutenabilité budgétaire des États africains endettés comme le Sénégal[4]. Elle est également en phase avec la loi organique relative aux lois de finances qui permet à l’État de prévoir des autorisations d’engagement couvrant dès l’année où les contrats de PPP sont conclus la totalité de l’engagement juridique5.

Choix de type de la procédure de passation

La loi, dans un élan de simplification de procédures, réaménage les différentes procédures de passation de PPP comme suit6 :

Procédures de droit commun

  • Appel d’offres ouvert en une étape précédée ou non d’une pré-qualification
  • Appel d’offres ouvert en deux étapes précédées d’une pré-qualification

Procédures dérogatoires

  • Appel d’offres restreint
  • Appel d’offres avec concours
  • Procédure de dialogue compétitif
  • Procédure d’entente directe

Dématérialisation de procédures

L’admission expresse de procédures de passation dématérialisées est une innovation majeure7. Les échanges d’informations et la communication dans le cadre de la passation de marché peuvent désormais se faire par voie électronique avec des moyens techniques fiables et généralement utilisés et conformément aux conditions à fixer par voie règlementaire.

Contenu local

La loi précise que les autorités contractantes peuvent prévoir dans le dossier d’appel d’offres des exigences de contenu local en fonction de l’objet du projet et du contexte socio-économique et environnemental8.

Cette exigence se retrouve également lors la constitution de la société de projet chargé de l’exécution du contrat de PPP dont une partie de l’actionnariat devrait être réservée aux opérateurs économiques nationaux9. La loi renvoie la détermination de la participation locale à ses textes d’application contrairement à l’ancienne loi qui prévoyait en son sein 20%10.

Procédures particulières de passation de contrats PPP

Il s’agit de l’offre d’initiative privée, des accords-programmes et de projets financés par un organisme international. Si l’offre d’initiative privée et les projets financés par un organisme international figurent déjà dans l’ancienne loi, l’accord programme est une innovation légale dont les modalités de mise en œuvre seront fixées, selon la loi, par voie règlementaire. La loi précise seulement que l’accord-programme est un accord qui permet de présélectionner plusieurs opérateurs économiques en vue de conclure une convention établissant tout ou partie des règles relatives aux contrats de partenariat public-privé portant sur des besoins similaires à passer au cours d'une période donnée11.

Évaluation et audit de contrat de partenariat

L’évaluation et l’audit sont effectués durant l’exécution de contrats de partenariat respectivement par l’Unité Nationale d’Appui aux PPP et l’organe chargé de régulation de PPP et suivant les modalités légale et règlementaire à venir sans préjudice d’autres procédures d’audit ou de contrôles prévues par les textes en vigueur au Sénégal12.

Règlement de différends

La loi fait une distinction selon les différentes étapes de réalisation des PPP pour fixer le mode de règlement de différend pertinent.

Durant la passation du contrat de partenariat, les contestations nées des procédures de passation de PPP sont portées avant tout recours contentieux devant le représentant légal de l’autorité contractante pour la passation et l’exécution des contrats de PPP. On remarque ainsi un changement du destinataire du recours gracieux qui était, dans l’empire de l’ancienne loi, porté devant le Conseil des Infrastructures.

Les différends liés à l’exécution ou à la résiliation des contrats de partenariat sont réglés préalablement par voie amiable par le comité de règlement de différend de l’organe de régulation de PPP. En cas d’échec de la voie amiable, le différend est porté devant les tribunaux judiciaires sénégalais ou devant instances arbitrales compétentes le cas échéant. En tout état de cause, la phase de règlement ainsi fixé n’est plus obligatoire si les parties ont convenues de designer un expert indépendant pour le règlement a l’amiable de leur différend.

Il importe toutefois de préciser que l’arbitrage étant le mode habituel de règlement des différends pour des projets PPP, il ne serait pas inopportun que l’État sénégalais se réfère à l’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage au vu de l’engagement pris par les Etats membres de l’OHADA de promouvoir l’arbitrage communautaire13.

Au total, la nouvelle loi apporte des innovations majeures notamment en termes de sécurité juridique et de modernisations des règles applicables. L’avènement des textes d’application est toutefois déterminant pour assurer une application optimale de ses dispositions.

 

Notes de bas de page
1Voir notamment la loi n°18/016 du 09 juillet 2018 relative au partenariat public‐privé en RDC, l’Ordonnance 06/PR/2017 Portant Régime juridique du Partenariat Public-Privé en République du Tchad et le Décret n°2018‐358 du 29 mars 2018 déterminant les règles relatives aux contrats de partenariats public‐privé en Côte d’Ivoire.
2Article 2
3Article 55
4Article 22
5Article 18 de la loi organique n°2020‐07 du 26 février 2020 relative aux lois de finances
6Article 28
7Article 29
8Article 32
9Article 34
10Article 23 de l’ancienne loi.
11Article 36
12Articles 45 et 46
13Voir, par exemple, le Code des investissements de 2012 du Togo (article 8), le Code des investissements de 2012 du Mali (article 29), le Code des investissements de 2015 de la Guinée (article 43).

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