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Insights

Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 et Droit Mauricien

By Marc R. M. Hein SC, G.O.S.K

La Déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 est communément appelée la Déclaration des Droits de l’Homme. Cette déclaration révolutionnaire était surtout une grande déclaration d’intention politique et non vraiment un texte constitutionnel. Elle est devenue au fil des années un texte modèle promouvant les droits de l’homme et les libertés publiques de par le monde. La Déclaration a aussi inspiré la grande Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de l’O.N.U en 1948. Il se trouve, en passant que la Déclaration est maintenant en préambule de la Constitution française de 1958 - qui créa la Cinquième République.

1. Je me posais la question récemment et plusieurs confrères n’arrivaient pas à me répondre. D’où cette recherche ;

Cette Déclaration de 1789 forme-t-elle parti de notre droit mauricien maintenant en 2021 ?

Certains légistes étaient hésitants et ma réponse est maintenant OUI. La Déclaration forme bien partie de notre droit local. Je m’explique et on en tirera après les conséquences.

2. Dans tous les cas, remontons donc en 1791. Nous avions à l’Île de France une Constitution qui avait était mis sur pied par le pouvoir révolutionnaire mais, avec l’assentiment de Louis XVI Roi de France exerçant sur la colonie. Cette Constitution adopte l’Assemblée Coloniale de 2 avril 1791 et organise le territoire entre le Judiciaire, le Législatif, L’Exécutif et même l’Administratif. Donc, en 1791, l’Île de France a sa propre constitution et son Assemblée Coloniale. Fort de cela et malgré les chamboulements en France révolutionnaire, l’Île continue à vivre paisiblement son ordre juridique. Le 1er août 1794 « le quatorzième Thermidor de l’An II », l’Assemblée Coloniale vote en bonne et due forme la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

3. Donc, la Déclaration prends immédiatement force de loi chez nous à cette époque. Nous savons après qu’il y eut la bataille de l’Île de la Passe, gagnée par les Français mais après, l’invasion terrestre dans le nord remporté par les Anglais et un Acte de Capitulation le 3 décembre 1810 signée par les vainqueurs et vaincus.  L’article 8 de L’Acte énonce clairement :

« Que les habitants conserveront leur Religion, Lois et Coutumes ».

Donc, c’est ainsi que le Catholicisme et les différents codes Napoléoniens restent en vigueur.  Mais quid de la Déclaration des Droits de l’Homme ? Elle est déjà en place et restera donc dans le droit mauricien.  Subséquemment, le traité de Versailles de 1814 ne change rien de conséquent et d’ailleurs, confirme le traité de Capitulation en ce qui nous concerne.

4. L’independance arrive en 1968 et notre nouvelle Constitution de 1968 mettra bien en exergue les droits fondamentaux ayant existé avant 1968. L’article 1 confirme que Maurice est un Etat souverain et démocratique.

5. L’article 3 de la Constitution est très clair. Il met en évidence les droits fondamentaux ayant existés et qui continueront à exister sous le Titre :

“Fundamental rights and freedoms of the individual”

Notons d’emblée que rights et freedoms sont au pluriel. Plusieurs jugements de notre Cour Suprême et du Privy Council confirment que ces droits ayant existé ont donc continué à exister après l’indépendance.

6. En 1998, dans l’affaire Matadeen et Pointu contre le Ministère de l’Education (PC No 14 of 1997), le Privy Council eu l’opportunité de considérer de nombreux litiges entre les collèges confessionnels catholiques et le Ministère de l’Education nationale. Plusieurs points constitutionnels furent considérés dans ce jugement ainsi que notre fameuse Déclaration des droits de l’Homme qui fut plaidée par le Plaignant comme lui donnant certains droits. Le Privy Council acceptera clairement que la Déclaration existe bien en droit mauricien et que l’on peut s’en inspirer au vu de l’article 3 de la Constitution qui reprends des droits ayant existé et qui doivent continuer à exister. Dans ledit cas d’espèce, pour d’autres raisons, la Déclaration ne devait pas aider le plaignant à gagner son affaire. Il est cependant clair de par ce jugement signé par cinq Lords anglais que la Déclaration fait partie de notre droit.

7. Quelles conséquences en droit mauricien en 2021 ?

A une époque où l’on ne fait qu’affirmer un besoin de libertés publiques et de droit individuels, il est de bon présage de redécouvrir que cette Déclaration forme partie de notre droit. Il appartient maintenant aux juristes mauriciens de se retrousser les manches, d’innover et de voir, dans tout cet arsenal juridique qui tourne autour de la Déclaration de 1789 quoi utiliser comme argument judiciaire. C’est finalement un grand arsenal juridique qui était là mais dont on avait oublié son existence. C’est un beau cadeau de Noël et de fin d’année de rouvrir la porte de cet arsenal et de voir ce qui peut en être fait...

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